Articles > À la découverte de la langue turque
par Alexis Ulrich
Véritable pont entre l’Orient et l’Occident, la Turquie est riche d’une culture au carrefour de nombreuses civilisations. La beauté de sa langue, qui semble à la fois proche par son alphabet, et déjà lointaine par ses sonorités et son vocabulaire, invite au voyage et à la découverte.
L’alphabet
L’alphabet turc et sa prononciation sont très proches au français, même si quelques lettres se prononcent différemment, comme le c qui se prononce /dj/, le ğ (g bref, ou g doux) qui se prononce un peu comme /w/ sans bouger les lèvres et allonge la voyelle précédente, le ı (i sans point), à mi-chemin entre le /i/ et le /u/, et le ş (s cédille) qui se prononce /ch/.

Une langue agglutinante
Comme toutes les langues altaïques, le turc est une langue agglutinante, c’est-à-dire qu’elle ajoute des suffixes pour exprimer des traits grammaticaux. À partir de
Et pour que les mots coulent naturellement, pour qu’ils soient facilement prononçables, des règles d’harmonie vocalique se sont développées, comme nous allons le voir maintenant.

L’harmonie vocalique simple
Les voyelles turques sont groupées en voyelles dures ou postérieures (a, ı, o, u) et voyelles douces ou antérieures (e, i, ö, ü). L’harmonie simple indique la voyelle du suffixe utilisé pour le pluriel, l’infinitif et les cas en fonction de la dernière voyelle du mot.

Le pluriel
La formation du pluriel suit la règle de l’harmonie vocalique simple. On a par exemple
De plus, lorsqu’on compte des choses en turc, on ne met pas le mot au pluriel :

L’harmonie vocalique complexe
L’harmonie complexe groupe les voyelles en quatre sous-groupes : les claires non-arrondies ou étirées (e, i), les sombres non-arrondies (a, ı), les claires arrondies (ö, ü), et les sombres arrondies (o, u).
Sans entrer dans les détails, elle est utilisée par exemple dans les particules interrogatives :

Une langue casuelle à six cas
Le turc se décline suivant six cas : le nominatif, l’accusatif (l’objet de l’action), le génitif (la possession), le datif (pour qui l’action est effectuée), l’ablatif (l’origine de l’action) et le locatif (le lieu de l’action). Accusatif et génitif suivent les règles de l’harmonie complexe ; datif, ablatif et locatif, celles de l’harmonie simple.

Pas de genre grammatical
Enfin un peu de simplification : le turc n’a pas de genre grammatical. Le pronom

La conjugaison
Et puisqu’on en parle, la conjugaison se fait sous forme de suffixes. Le verbe être va encore plus loin puisqu’au présent, il se suffixe directement au mot concerné :

L’ordre des mots
Le turc est une langue à structure Sujet-Objet-Verbe, soit l’ordre le plus commun qu’on retrouve dans environ 45% des langues (l’ordre Sujet-Verbe-Objet du français ne se retrouve que dans environ 42% des langues).
Ma mère regarde la télévision se dit

Les emprunts lexicaux
Au début des années 30, Atatürk, le premier président de la Turquie, lance une réforme visant à remplacer l’alphabet arabe de l’empire Ottoman par un alphabet latin adapté, ce qu’on appelle la Révolution des signes (
On y trouve des mots venant du français, représentant environ 5% du vocabulaire, comme
Dans l’autre sens, beaucoup de mots turcs sont aussi passés en français : babouche (de
Bien sûr, il reste encore en turc de très nombreux mots venant de l’arabe, on en compterait 6%. Citons par exemple,

Pour résumer (et aller plus loin)
Comme on l’a vu rapidement, la langue turque suit un ordre SOV, elle possède une harmonie vocalique, elles est agglutinative au moyen de sufixes, et n’a pas de genre grammatical. Toutes ces caractéristiques sont partagées par la famille des langues turciques qui regroupe une trentaine de langues couvrant une immense zone allant de l’Europe de l’Est à l’ouest de la Chine et de Chypre à la Sibérie.
Le turc moderne compte environ 80 millions de locuteurs, on trouve ensuite l’azéri avec 35 millions de locuteurs, l’ouzbek (25 millions), le kazakh (16 millions), l’ouïghour (15 millions), le tatar (8 millions), dont 500 000 locuteurs pour le tatar de Crimée, le turkmène (7 millions), le kirghize (4 millions), le bachkir (2 millions), le tchouvache (2 millions), le yakoute (500 000)…
Au total, les langues turciques comptent de 200 à 250 millions de locuteurs, certaines s’écrivant en alphabet latin, et d’autres en cyrillique, mais toutes avec un vocabulaire relativement proche. Apprendre le turc permet de toucher du doigt une immensité culturelle et géographique qui va bien au-delà de la Turquie, véritable pont entre l’Orient et l’Occident.