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Articles > Le ramune, boisson japonaise

par Alexis Ulrich  LinkedIn
Bouteille de Ramune

Le ramune (ラムネ en katakana) est une boisson gazeuse nippone vendue dans une bouteille àu système de fermeture particulier. Rafraîchissons-nous en étudiant son histoire sous le prisme de la langue japonaise.

À l’origine, le ramune est dérivé de la limonade. Son nom est d’ailleurs un emprunt linguistique de l’anglais lemonade.

Alexander Cameron Sim

Elle est inventée à Kobe en 1884 par un pharmacien écossais, Alexander Cameron Sim. Après avoir obtenu un poste de pharmacien au Royal London Hospital en 1862, il est volontaire pour être envoyé outre-mer où il sera posté au Royal Naval Hospital de Hong Kong, puis à Nagasaki au Japon, avant de déménager à Kobe en 1870 (il a alors à peine 30 ans). Il y crée sa propre entreprise, la AC Sim Shōkai, spécialisée dans l’import-export de médicaments et de fournitures médicales.

C’est par le biais de cette société qu’il vend une boisson gazeuse appelée mabu soda, déformation de l’anglais marble soda (ou soda à bille) à la Colonie étrangère de Kobe (神戸外国人居留地, Kōbe gaikokujin kyoryūchi).

Étymologiquement, un étranger (外国人, gaikokujin) est une personne (, jin) vivant dans un pays étranger (外国, gaikoku), c’est-à-dire un pays (, koku) extérieur (, gai).

Cette colonie fut établie sur la base des traités Ansei (ansei no karijōyaku, 安政の仮条約), une série de traités imposés par les colonisateurs d’abord américains, puis britanniques, russes, néérlandais et français, par lesquels les ports d’Edo, Kōbe, Nagasaki, Niigata et Yokohama ont été ouverts au commerce international. Les citoyens étrangers pouvaient y vivre et y commercer librement, et n’étaient pas soumis aux lois locales mais à celles de leurs juridictions consulaires. Les droits de douane sur les importations-exportations y étaient fixes et très faibles, de l’ordre de 5 % dans les années 1860. La colonie étrangère de Kobe existera pendant 31 ans, du 1er janvier 1868 au 16 juillet 1899.

L’ère Ansei (étymologiquement : gouvernement tranquille), dure de novembre 1854 à mars 1860. Quant à l’expression 仮条約 (karijōyaku), elle se décompose en 条約 (jōyaku, traité, basé sur le classificateur numérique des articles, sections et objets minces , ) et (kari, temporaire).

Hiram Codd

Mais revenons à cette fameuse bouteille à bille. Son procédé fut inventé par l’ingénieur britannique Hiram Codd en 1872. L’eau gazeuse, remplissant la bouteille sous pression, repousse une bille de verre contre un joint en caoutchouc, ce qui la rend étanche. On les appelle en anglais des Codd-neck bottles (bouteilles à col Codd), du nom de leur inventeur.

bouteille à col Codd

De nos jours, le ramune est vendu par la société Sangaria (サンガリア), basée à Osaka, dans l’arrondissement Higashisumiyoshi-ku (東住吉区).

Le slogan de la compagnie, « 1, 2, Sangaria » (「いち、に、サンガリア」, « Ichi, Ni, Sangaria ! ») est un jeu de mots sur « 1, 2, 3 » (« Ichi, ni, san »), les trois premiers chiffres en japonais.

Le nom de la société elle-même vient du poème chinois Vision de printemps (span春望, Chūn Wàng en chinois, et Shumbō en japonais), du poète Du Fu (712-770), dont l’influence est profonde sur la littérature japonaise.

On y trouve la phrase suivante : Le pays (ou sa capitale Chang’an) s’est effondré, mais il reste des montagnes et des rivières (「國破山河在」, Gúo pò shān hé zài, en chinois et 「国破れて山河在り」, Kuni yaburete sanga ari en japonais). Le poète y parle de la prise de la ville de Chang’an par les rebelles de Ān Lùshān en 756.
Les mots 山河在り (sanga ari) indiquent que les montagnes et les rivières existent toujours.

Cette petite bille de verre nous aura passablement fait voyager et mérite un haïku improvisé.

Tintement de verre,
Les bulles explosent,
Bille prisonnière.