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Articles > Le hangeul, l’alphabet coréen

par Alexis Ulrich  LinkedIn

Un peu d’histoire

Sejong le Grand, quatrième roi de la dynastie Joseon

Lorsque Sejong le Grand, quatrième roi de la dynastie Joseon, arrive au pouvoir en 1418, le coréen est pratiquement une langue orale pour la majorité des Coréens. En effet, l’aristocratie et l’administration utilisent les caractères chinois classiques (le hanmun) pour l’écrire, tandis que les classes moyennes se servent de caractères chinois pour transcrire phonétiquement le coréen, le idu, les deux systèmes étants incompatibles.

De nos jours encore, 1 807 caractères chinois de base (les hanjas) sont enseignés entre le collège et le lycée, alors que le hangeul ne compte que 14 consonnes et 10 voyelles de base, appelées jamos (자모), auxquelles il faut ajouter 5 consonnes doubles, 11 voyelles composées et 11 groupes de consonnes si l’on veut être exhaustif, soit 40 lettres au total.

Mais revenons en 1446, lorsque Sejong publie son ouvrage « Des sons corrects pour l’instruction du peuple », écrit en chinois classique, où il décrit l’écriture du même nom, le Hunmin Jeongeum (훈민정음). Il invente cet alphabet seul, ce que lui reprocheront les savants de sa cour à qui il le présente en 1443, soit 3 ans avant de le promulguer. L’anniversaire de la date de publication est fêté comme le Jour du hangeul en Corée du Sud le 9 octobre, et le 15 janvier comme le Jour du chosŏn’gŭl en Corée du Nord.

Cet alphabet ne prendra le nom de hangeul qu’en 1912, le terme sera inventé par le linguiste Ju Si-gyeong qui travaillera sur la normalisation de la langue. En Corée du Nord, il s’appelle chosŏn’gŭl, du nom de la période Chosŏn, autre graphie de Joseon.

Des consonnes et des voyelles

Dans ce nouveau système d’écriture, le dessin des consonnes représente la langue et la bouche et les regroupe de façon phonétique. On retrouve les consonnes vélaires ㄱ [k] et ㅋ [kʰ], les alvéolaires ㄴ [n], ㄷ [t], ㅌ [tʰ] et ㄹ [r]/[l], les bilabiales ㅁ [m], ㅂ [p] et ㅍ [pʰ], les fricatives ㅅ [s], ㅈ [c] (anciennement [ts]) et ㅊ [cʰ], et les glottales ㅇ [ŋ] et ㅎ [h].

Quant aux voyelles, elles sont tracées avec un trait horizontal qui représente la Terre (Yin), un point pour le Soleil (Yang), qui évoluera plus tard sous la forme d’un petit trait horizontal ou vertical, et un trait vertical qui représente l’Homme, élément neutre entre les deux forces opposées et complémentaires du Yin et du Yang.

Une grille d’écriture

le mot Hangul écrit en hangeul

Le hangeul est à la fois un alphabet et un syllabaire : chaque syllabe se construit avec des jamos et se positionne dans une grille, alternant consonnes et voyelles.

Voici par exemple le mot Hangul écrit en hangeul : 한글.

Chaque mot commence par une consonne initiale, même s’il peut s’agir de la consonne nulle hieut qui correspond à un h silencieux lorsqu’il commence par une voyelle, comme c’est le cas ici. Les consonnes et voyelles sont alternées dans la grille (les consonnes et voyelles doubles occupent l’espace d’une lettre simple).

De l’interdiction à l’officialisation

En 1504, Yeonsangun, dixième roi de la dynastie Joseon, interdit l’enseignement et l’usage du hangeul lorsque sa politique pour le moins tyrannique donne lieu à des affiches rédigées dans cette écriture. Le hangeul perdure cependant dans la population féminine qui n’a pas accès aux études chinoises, jusqu’à la naissance d’une littérature romanesque féminine au XVIIe siècle.

C’est sous l’occupation du Japon à la fin du XIXe siècle que le coréen moderne devient langue officielle pour remplacer le chinois écrit. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le hangeul permet l’alphabétisation de la population. Mais ce n’est qu’en 1995 que les journaux coréens cessent d’utiliser des sinogrammes.