Articles > La langue malgache : une première approche
par Alexis UlrichUn voyage est toujours l’occasion d’une découverte, de surprises, de dépaysement, de rencontres. Et celles-ci sont bien plus riches lorsqu’on peut échanger quelques mots, quelques formules de politesse qui vont engager un dialogue. J’ai profité d’un voyage à Madagascar pour découvrir la langue malgache et m’initier à ses particularités.
Présentation du malgache
Le malgache, ou malagasy, est la langue parlée sur l’île de Madagascar par environ 13 millions de personnes. Le malgache se divise en deux groupes dialectaux : le groupe oriental (qui inclue le dialecte de merina ou malgache du plateau) et le groupe occidental. Ces groupes comptent onze dialectes distincts. Le malgache officiel est le malgache du plateau, parlé nativement par un quart de la population de Madagascar.
Même si l’île est proche de l’Afrique, le malgache est une langue austronésienne, et plus précisément malayo-polynésienne, la plus occidentale des langues de cette branche, et donc très proche des langues de l’Indonésie, de Malaysie et des Philippines.
Prononciation du malgache
Le malgache ne possède que quatre voyelles :
– A (/a/), comme dans father
– E (/e/), comme dans été
– I ou Y à la fin d’un mot (/i/), comme dans lit
– O (/u/), comme dans fou
Certains sons sont un peu plus difficiles :
– ny (/nye/), comme dans l’espagnol mañana
– kh (/kha/), comme dans l’allemand Bach
– j (/dz/), comme dans jazz
– nng (/nng/), comme dans bingo
L’avant-dernière syllabe des mots est accentuée, à moins qu’ils ne se terminent par ka, tra ou na, auquel cas l’accentuation se fait sur l’antépénultième syllabe (l’avant-avant-dernière). La voyelle finale est à peine vocalisée, et quelques voyelles entre deux consonnes sont carrément esquivées par les locuteurs. En fin de compte, il y a un malgache écrit et un malgache oral qu’il faut apprendre en même temps.
Quelques particularités grammaticales du malgache
L’ordre des mots dans la phrase est VOS, soit Verbe-Objet-Sujet.
Par exemple, Il aime le thé se dit Tia dite izy, ou littéralement aime le-thé il. Les langues à structure Verbe-Objet-Sujet ne représentent que 3% des langues du monde. Ce groupe compte principalement des langues austronésiennes (comme le dusun, le fidjien ou le toba batak) et des langues mayas (incluant le tojolab’al, le tzotzil et le maya yucatèque), même si d’autres langues partagent cette spécificité en acceptant l’ordre VOS en même temps que le VSO.
Il n’y a pas d’auxiliaire être ou avoir
Ainsi, les pronoms personnels comprennent ce verbe : aho signifie tout à la fois je et je suis.
Mangetaheta aho signifie J’ai soif.
Un adjectif en position de prédicat suivi par l’article ny comprend lui-aussi l’auxiliaire.
Tsara ny andro (littéralement Bien le jour) veut dire C’est une belle journée.
Le genre et le nombre sont (quasiment) inexistants
Le malgache ne distingue ni le genre, ni le nombre grammatical, à quelques exceptions près.
Ny fiara peut signifier (une) voiture ou tout aussi bien (plusieurs) voitures.
De la même façon, ny vadiko peut signifier mon mari ou ma femme, c’est-à-dire mon époux/mon épouse.
Ny est un article générique qui ne donne aucune indication sur le nombre ou le genre.
La réduplication des adjectifs
En répétant un adjectif, on en créé un au sens affaibli :
- mavo (jaune), mavomavo (jaunâtre)
- tsara (bien), tsaratsara (assez bien, plus ou moins bien)
Il y a deux nous différents
Le pronom nous peut être exprimé de façon inclusive (isika) ou exclusive (izahay). La forme inclusive inclue la personne avec qui on parle (mianatra isika, nous apprenons : toi inclus), tandis que la forme exclusive la garde en dehors (mianatra izahay, nous apprenons, mais pas toi).
Les possessifs sont marqués par des suffixes
Les suffixes possessifs sont : -(k)o (mon/ma/mes), -(n)ao (ton/ta/tes), -ny (son/sa/ses), -(n)ay (nos (exclusif)), -(n)tsika (nos (inclusif)), -(n)areo (vos) et -(n)dreo (leurs).
Trano (une maison) peut ainsi devenir tranonao (ta maison) ou tranony (sa maison).
La deixis de lieu possède sept degrés
La deixis de lieu (ou d’espace) exprime la position spatiale. En français, des mots comme ici et là, ou ceci et cela, appartiennent à cette catégorie. Si le français exprime en pratique deux degrés de distance, le malgache différencie entre sept niveaux de proximité (du plus proche au plus lointain) et deux niveaux de visibilité (visible ou non) pour les adverbes et les pronoms. Pour avoir une idée de la complexité du système déictique malgache, vous pouvez penser à l’expression au-delà de, qui exprime un objet distant, visible ou caché.
Pour les choses visibles, de la plus proche à la plus lointaine, les adverbes (comme ici/là) sont : etỳ, èto, èo, ètsy, èny, eròa, erỳ. La même liste pour les pronoms (comme ceci/cela et ceux-ci/ceux-là) est : itỳ, ìto, ìo, ìtsy, ìny, iròa (rarement utilisé), irỳ.
Le système de préfixes et de suffixes le rend plus ou moins facile à mémoriser : a- et e- pour les adverbes respectivement visibles et invisibles, iza-, i- et ire- pour les pronoms respectivement visibles, invisibles et visibles pluriel.
Les nombres
Si les nombres malgaches suivent un système décimal, les nombres composés se forment en mettant l’unité avant la dizaine (comme en allemand) : valo amby fitopolo (huit le-reste-de soixante-dix) [78], roa amby telopolo amby zato (deux le-reste-de trente le-reste-de cent) [132].
Les dix premiers nombres sont : iray [1], roa [2], telo [3], efatra [4], dimy [5], enina [6], fito [7], valo [8], sivy [9] et folo [10].
La voix circonstancielle
Le malgache possède une troisième voix en plus de l’active et de la passive : la voix circonstancielle qui met l’accent sur le lieu, le temps ou les circonstances de l’action (ce qui s’exprime en français avec un complément circonstantiel, un adverbe ou une subordonnée).
Any Fianarantsoa no ividianako trano (C’est à Fianarantsoa que j’ai acheté une maison.)
Les emprunts lexicaux
Quand on apprend une nouvelle langue, les emprunts lexicaux sont souvent une bonne façon de mémoriser du vocabulaire à partir de la connaissance d’autres langues. Si le malgache partage la plupart de son vocabulaire avec la langue ma’anyan de Bornéo, il a aussi emprunté des mots de l’arabe et des langues bantoues, et dans une moindre mesure du français et de l’anglais.
Voici quelques mots venant du français : latabatra (la table), divay (du vin), dibera (du beurre), soavaly (cheval).
En voici d’autres empruntés à l’anglais : bitro (de rabbit, lapin), boky (de book, livre), gisa (de geese, oie), sekoly (de school, école).
Les noms de mois viennent directement de l’anglais : janoary (janvier, de January), febroary (février, de February), martsa (mars, de Mars), aprily (avril, de April), mey (mai, de May), jona (juin, de June), jolay (juillet, de July), aogositra (août, de August), septembra (septembre, de September), oktobra (octobre, de October), novambra (novembre, de November) et desembra (décembre, de December).
Salama (bonjour) vient quant à lui de l’arabe salāma via le swahili salama.
Les jours de la semaine viennent directement de l’arabe :
- alatsinainy (lundi), de لاثنين (Al-Ithnayn)
- talata (mardi), de الثلاثاء (Al-Thoulatha)
- alarobia (mercredi), de الأربعاء (Al-Arbai’a)
- alakamisy (jeudi), de الخميس (Al-Khamis)
- zoma (vendredi), de الجمعة (Al-Joma’a)
- sabotsy (samedi), de السبت (Al-Sabt)
- alahady (dimanche), de الأحد (Al-Ahad)
En guise de conclusion
Il ne s’agit là que d’une première approche, de quoi donner envie d’aller plus loin et d’apprendre cette mystérieuse langue malgache. J’espère avoir soulevé votre intérêt avec ces quelques mots pour que vous aussi vous ayiez envie d’en savoir plus.