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Articles > Les types d’anglicismes

par Alexis Ulrich  LinkedIn
Les différents types d’anglicismes : connaître son ennemi

Si un anglicisme est par définition un emprunt linguistique à la langue anglaise, de nombreux types d’anglicismes existent : phraséologiques, syntaxiques, sémantiques, morphologiques, hybrides, et même intégraux. Illustrons-les de quelques exemples pour mieux cerner leurs différences afin de les identifier et de mieux les corriger.
Baignées dans un univers anglophone, les communautés francophones et acadiennes du Canada, notamment celles du Québec, mais aussi celles du Nouveau-Brunswick, du Manitoba ou de Colombie-Britannique sont particulièrement exposées aux anglicismes dans leur utilisation de la langue française. C’est pourquoi les exemples donnés ici viennent principalement du Canada, même s’ils existent tout autant en France et dans les autres pays francophones.

Anglicismes phraséologiques

In a nutshell

Dans un anglicisme phraséologique, on emprunte à l’anglais une locution idiomatique, une expression imagée ou une collocation, c’est-à-dire un enchaînement habituel de mots.
Par exemple, l’expression in a nutshell, traduite mot à mot par dans une coquille de noix n’a aucun sens en français, ou alors celui-ci est complètement différent (on peut à la rigueur naviguer sur une coquille de noix). On la traduirait plutôt par en un mot ou en résumé.
On voit donc qu’une expression idiomatique perd son sens lorsqu’elle est traduite directement. Il faut trouver l’expression correspondante adéquate, à moins d’être friand de jeux de mots bilingues où les expressions sont traduites littéralement.
Du côté de la collocation, on trouve faire du sens, calqué sur l’anglais to make sense, mieux traduit par avoir du sens, être sensé, être logique.

Anglicismes syntaxiques

To be on the plane

Un anglicisme syntaxique consiste à reproduire dans une langue la structure syntaxique d’une autre.
On y trouve par exemple le fait de conserver une préposition ou une conjonction anglaise dans une expression française : être sur l’avion plutôt qu’être dans l’avion (de l’anglais to be on the plane). Si ces erreurs sont courantes pour les anglophones qui apprennent le français, les francophones doivent aussi prendre garde à ne pas les faire.
Si en anglais l’adjectif se place avant le nom auquel il se rapporte, il n’en est pas de même en français. Conserver l’ordre des mots fait aussi partie des anglicismes syntaxiques.
Un court deux semaines, où l’on retrouve l’ordre des mots de l’expression a short two weeks, a une structure fautive et devrait être remplacé par deux courtes semaines.
De même, certaines formes passives directement calquées sur l’anglais sont erronées : to be answered ne peut se traduire par être répondu, mais plutôt par on lui a répondu ou il lui a été répondu si on veut garder cette forme passive.

Anglicismes sémantiques

En utilisant un mot français qui ressemble à un mot anglais, on opère un glissement de sens d’une langue à l’autre. Il s’agit du concept bien connu des faux amis, ces mots qui ressemblent à s’y méprendre à des mots au sens différent.
Citons par exemple domestic trade qui signifie commerce intérieur et non commerce domestique.
Bien souvent, il s’agit de mots d’origine latine introduits dans la langue anglaise qui tentent de revenir en français porteurs d’un autre sens.
Cependant, certains anglicismes sémantiques sont bénéfiques puisqu’ils ajoutent un sens à un mot français déjà existant. Le mot site a trois sens en français selon son étymologie : celui qui vient du latin (situation du lieu ou du terrain où s’élèvent une ville, un village, une station, un monument…, du latin situs), celui qui vient de l’italien (partie pittoresque d’un paysage, de l’italien de la renaissance sito) et le plus récent site (web), emprunt sémantique de l’anglais.

Anglicismes morphologiques

Fin de semaine ou week-end ?

Dans les anglicismes morphologiques, un mot simple ou composé est traduit littéralement.
On est donc très proche de l’anglicisme phraséologique, à la différence près que chaque élément du mot composé est correctement traduit, mais que le résultat est incorrect.
On peut citer l’anglais fringe benefits, qui signifie avantages sociaux, mais parfois traduit par le fautif bénéfices marginaux.
Un autre exemple très courant porte sur les expressions to date et up to date, traduites par à date et jusqu’à date en lieu et place de à jour pour la première et à ce jour, jusqu’à présent, jusqu’à maintenant ou jusqu’ici pour la seconde.
Certains calques morphologiques sont passés dans la langue française, comme dépôt direct (direct deposit), ou le québécois fin de semaine (là où le français de France a gardé week-end).

Anglicismes hybrides

Un anglicisme hybride est soit une francisation d’un mot anglais, soit la conservation d’un mot anglais dans une expression.
On trouve dans cette catégorie le verbe customiser (de l’anglais to customize, ou personnaliser) ou encore le verbe booker (de l’anglais to book, ou faire une réservation).
Du côté des mots composés, on a adresse e-mail, de email address, auquel on préfère désormais courriel au Canada, et au moins officiellement à l’Académie Française, puisque son usage n’est pas encore très répandu en France.

Anglicismes intégraux

Food truck

Pas de demi-mesure pour les anglicismes intégraux : le mot anglais est directement utilisé en français. Pour n’en citer que quelques-uns (ils sont légion) : background, challenge, cool, food truck, glamour, junk food, loser, overdose, undeground, vintage
S’ils expriment souvent un import culturel dans un groupe social, ils sont aussi marqueurs de différence, tant sociale que sémantique : dans un food truck, plus à la mode qu’un camion pizza ou qu’une baraque à frites, différentes spécialités culinaires sont proposées, certains étant spécialisés dans les hamburgers, d’autres dans la cuisine thaï ou les glaces.
On les trouve aussi souvent dans les domaines technologiques, en particulier en informatique : backbone, backup, benchmark, bookmark, driver… Des équivalents français les remplacent au fur et à mesure que la technologie est intégrée. On passe alors du jargon à la langue courante. La liste précédente se transforme en réseau fédérateur, (copie de) sauvegarde, banc d’essai, signet, pilote.